Pages

jeudi 14 décembre 2017

Transparency International publie un guide pratique destiné aux lanceurs d'alerte

La section française de Transparency International publie, ce jeudi, un guide pratique destiné à informer les lanceurs d'alerte sur leurs droits et devoirs, notamment depuis l'adoption de la loi dite Sapin II, en décembre 2016.


La section française de Transparency International publie, ce jeudi, un guide pratique destiné à informer les lanceurs d'alerte sur leurs droits et devoirs, notamment depuis l'adoption de la loi dite Sapin II, en décembre 2016.

Edward Snowden, Erin Brokovich, Irène Frachon, Chelsea Manning ou encore Antoine Deltour et Raphaël Halet. Tous ces personnages ont un point commun: ils sont des lanceurs d'alerte. Des écoutes de la NSA à l'affaire du Médiator ou LuxLeaks en passant par les Pentagon Papers, ces hommes et ces femmes ont parfois risqué leur vie pour révéler à l'opinion publique des dysfonctionnements ou des affaires de corruption. Mais ils ne sont pas les seuls. D'autres, dans l'ombre médiatique, ont également alerté sur des situations anormales, amorales, voire illégales au péril de leur carrière, de leur famille, voire de leur vie. Certains, témoins de ces errements, songent à franchir le Rubicon et à devenir des lanceurs d'alerte mais s'interrogent sur les conséquences.


C'est pour toutes ces personnes, notamment en France, que l'organisation non gouvernementale internationale (ONGI) Transparency International publie, ce jeudi, un «guide pratique à l'usage des lanceurs d'alerte». Selon Transparency International, le lanceur d'alerte est «une personne qui signale un fait illégal, illicite et dangereux, touchant à l'intérêt général, aux personnes ou aux instances ayant le pouvoir d'y mettre fin». Une définition largement reprise par le Conseil de l'Europe dans une recommandation de 2014.

«L'objectif est de permettre à tous les citoyens de se saisir de leurs droits car ils ne les connaissent pas», explique au Figaro Nicole-Marie Meyer, responsable alerte éthique pour l'ONGI en France et lanceuse d'alerte qui a rédigé ce document. Car la loi a changé récemment en France. Il y a un an, les parlementaires ont adopté avec la loi dite Sapin II, «un des systèmes de protection les plus avancés en Europe», selon Nicole-Marie Meyer. Seulement, cette protection nouvelle est la plupart du temps méconnue des citoyens.

Informer sur «le chemin à suivre»
«Un citoyen ou salarié mal informé de ses droits et obligations peut commettre des erreurs irréparables en lançant l'alerte et perdre la protection garantie par la loi. N'ayant pas les bons réflexes, ils s'exposent à des risques majeurs (licenciement, poursuites pour diffamation ou dénonciation calomnieuse) ou encore se taisent par peur des représailles», analyse l'auteure de ce guide. Pour cela, Transparency International entend informer les Français sur leurs droits et sur les démarches à suivre pour lancer une «alerte responsable», autrement dit qui servira à l'intérêt général et qui ne va pas mettre en danger le lanceur d'alerte.

«La loi Sapin II ne défend pas le droit de dire n'importe quoi, mais celui de dire la vérité avec un faisceau de preuves tangibles»
Nicole-Marie Meyer, Transparency International

Concrètement, le guide permet de «tracer un chemin» à suivre pour les personnes qui voudraient faire un signalement dans l'intérêt général. «La loi Sapin II ne défend pas le droit de dire n'importe quoi, mais celui de dire la vérité avec un faisceau de preuves tangibles», se défend Nicole-Marie Meyer. Selon elle, le lanceur d'alerte se caractérise par une volonté d'alerter l'intérêt général sur un dysfonctionnement ans aucune contrepartie. À l'inverse, le délateur dénonce une personne pour des intérêts égoïstes et privés. «Le lanceur d'alerte est du côté du courage, quand le délateur est du côté de la lâcheté», résume la responsable de Transparency International, qui précise que chacun d'entre nous peut devenir, un jour, un lanceur d'alerte.


Par exemple, comme l'explique le guide, dans le cadre d'une alerte effectuée par un salarié dans le cadre du travail - ce qui représenterait 80 à 90% des cas -, elle doit d'abord avoir lieu en interne, au sein de l'entreprise. Si l'alerte n'est pas traitée dans des délais raisonnables, le lanceur d'alerte peut alors s'adresser à l'autorité judiciaire ou administrative. Là encore, si aucune réponse n'est apportée dans les trois mois, l'alerte peut être rendue publique. «Ce signalement à trois paliers inscrit dans la loi Sapin II devrait permettre de créer un cercle vertueux car les entreprises n'ont pas intérêt à ce que les alertes deviennent publiques», indique Nicole-Marie Meyer. Ce filtre interne servirait ainsi à encourager la libération de la parole et non la délation et la diffamation. Par ailleurs, à toute étape, le lanceur d'alerte peut s'adresser au Défenseur des droits, qui doit veiller à ses droits et libertés.

Un premier lanceur d'alerte français en... 1895
Enfin, ce guide a pour but de montrer que les lanceurs d'alerte ne sont pas seulement issus du monde anglo-saxon. «Il y a des racines grecques et latines liées à la liberté de dire la vérité et la justice active et passive. Donc, nous pouvons nous emparer du droit d'alerte au même titre que les Anglais ou les Américains», tempère-t-elle. Nicole-Marie Meyer explique ainsi que le premier lanceur d'alerte français est le lieutenant-colonel Marie-Georges Picard qui, après avoir alerté en vain sa hiérarchie, a révélé l'identité du vrai coupable dans l'Affaire Dreyfus en... 1895. Convaincu de l'innocence du capitaine Alfred Dreyfus, il communiquera des documents à des politiques, et sera chassé de l'armée et emprisonné. Il sera finalement réhabilité et nommé général de brigade en 1906.

À l'instar de cet illustre militaire, le premier lanceur d'alerte français connu, «toute personne confrontée à une atteinte grave à l'intérêt général peut se retrouver face au choix, un jour, de lancer l'alerte», explique Nicole-Marie Meyer. Tel est donc l'objet de ce guide: donner les clés pour agir, se protéger et se défendre.