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vendredi 16 octobre 2015

Commémoration du cinquante-quatrième anniversaire du massacre d’octobre 1961

Demain samedi 17 octobre 2015 on commémore (à 17H30 au Pont Saint-Michel à Paris), le cinquante-quatrième anniversaire du massacre d’octobre 1961


Le livre de l'historien Emmanuel Blanchard, "La police parisienne et les Algériens (1944-1962)" paru en 2011 permet à travers une étude précise et détaillée sur la police parisienne de réfuter à propos de ce qu'on peut qualifier de massacre, les thèses d’un gouvernement politique qui aurait été dépassé, ou celle d’une simple « crise » au sein de la police.
On apprend qu'en réalité à l’automne 1961, le préfet Maurice Papon obtient du gouvernement un véritable « chèque en blanc » pour démanteler le FLN et mener une bataille qui débouchera sur la perpétuation de ce crime colonial au cœur de Paris, le massacre du 17 octobre 1961.

La police parisienne et les Algériens (1944-1962)

Le « problème nord-africain » : c'est ainsi que la police parisienne a pris pour habitude de qualifier après-guerre la question des Algériens installés en région parisienne. Théoriquement égaux en droit avec les autres citoyens français, ils étaient cantonnés à certains emplois et quartiers, en butte à une forte emprise policière et objets de nombreux fantasmes touchant à leurs pratiques sexuelles ou délinquantes.
De 1925 à 1945, les Algériens ont été « suivis » par une équipe spécialisée, la Brigade nord-africaine de la préfecture de police. Celle-ci dissoute, les « indigènes » devenus « Français musulmans d’Algérie » sont désormais l’affaire de tous les personnels de police. Au début des années 1950, l’émeute algérienne devient un sujet de préoccupation majeur, exacerbé par la répression féroce de la manifestation du 14 juillet 1953, place de la Nation. Une nouvelle police spécialisée est alors reconstituée avec la Brigade des agressions et violences. Ses objectifs : pénétrer les « milieux nord-africains » et ficher les Algériens.
Entre 1958 et 1962, dans le contexte de la guerre ouverte en Algérie, le répertoire policier se radicalise : il faut désormais « éliminer les indésirables ». C’est l’organisation de rafles, de camps d’internement et de retours forcés. Les brutalités policières deviennent fréquentes, jusqu’à la torture. Le préfet de police Maurice Papon reçoit un « chèque en blanc » pour combattre le FLN. Les massacres d’octobre 1961 incarnent le moment le plus tragique de cette période noire. Les mécanismes en sont éclairés par une étude historique rigoureuse fondée sur des archives et des témoignages inédits.


Éditeur Nouveau Monde éditions
450 pages


Emmanuel Blanchard
est maître de conférences en science politique à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, chercheur au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP, CNRS-ministère de la Justice-UVSQ). Ses recherches portent sur les polices en situation coloniale et sur la socio-histoire des politiques d’immigration.




Sur le 17 octobre 1961 ...



17 octobre 1961 : archéologie d’un silence avant-propos

par Isabelle Saint-Saëns 15/09/2000

Le 17 octobre 61, la Fédération de France du FLN appelle les Algériens de la région parisienne à manifester pacifiquement contre le couvre-feu instauré le 5 octobre par le préfet de police, Maurice Papon. 30.000 manifestants face à 7000 policiers, 12.000 arrestations, 3 morts selon le bilan officiel, plus de 300 selon le FLN. Plusieurs dizaines selon les rapports demandés par le gouvernement à la fin des années 90 : les missions Mandelkern (98) et Géronimi (99), ayant eu accès aux documents officiels, n’ont pu que constater qu’un nombre très important en avait disparu.

Le gouvernement gaulliste mène une stratégie d’étouffement. C’est par le silence que Papon répond aux questions de Claude Bourdet à la séance du Conseil de Paris du 27 octobre 61. Roger Frey, ministre de l’intérieur et futur président du Conseil Constitutionnel, rejette une demande de commission d’enquête parlementaire, au motif que des informations judiciaires (toutes clôturées par des ordonnances de non-lieu) sont en cours. Les témoignages rassemblés par les éditions Maspero sont saisis chez le brocheur, avant le dépôt légal : ces livres n’existent tout simplement pas. Vérité-Liberté, Les Temps Modernes et Partisans sont saisis. Les projections d’Octobre à Paris de Jacques Panijel sont interdites ; un film réalisé par la Radio-Télévision Belge est déprogrammé, les pellicules disparaissent. La presse communiste (Libération et L’Humanité) fait état des violences policières, mais renonce à publier in extenso des témoignages, pour éviter la saisie. Le Monde et Le Figaro s’indignent des « violences à froid sur les manifestants arrêtés », mais « comprennent les brutalités policières à chaud ».

Quelques mois plus tard, le 8 février 62, neuf morts au métro Charonne lors d’une manifestation contre les attentats de l’OAS. Français ni musulmans ni d’Algérie, pour la plupart communistes et syndiqués, ils seront enterrés par près d’un demi-million de personnes. Sans doute auraient-ils été qualifiés d’« innocents » par ce Monsieur Barre qui eut Papon comme ministre du budget. Seul le représentant de la CFTC évoquera à l’enterrement les morts anonymes d’octobre.

Pendant deux décennies ce sont les témoins, directs ou indirects, qui insisteront : Pierre Vidal-Naquet en 72 (La torture dans la République), Georges Mattei, membre des réseaux de soutien au FLN, l’un des rares Français auxquels la Fédération de France du FLN avait demandé d’être présents sur le parcours de la manifestation, qui réalise (avec Jean-Louis Péninou) un dossier dans Libération (le 17 octobre 80 puis le 17 octobre 81). Au milieu des années 80, avec l’échec de l’intégration à la SOS-Racisme, les jeunes issus de l’immigration questionnent leurs parents : s’en fait l’écho le dialogue entre Mohamed Hocine, fondateur du Comité contre la double peine, et son père, filmé dans Douce France, la saga du mouvement beur. En 91, de jeunes militants (Anne Tristan, Agnès Denis, Mehdi Lallaoui et le collectif Au nom de la mémoire) écrivent un livre puis réalisent un film, Le silence du fleuve. La même année paraît le premier ouvrage historique, La bataille de Paris de Jean-Luc Einaudi : n’étant pas historien « professionnel » il lui faudra attendre 99 pour obtenir l’accès à certaines archives. Sur la décolonisation sous la IVe république, on attend les documents historiques d’envergure : combien d’universités françaises possèdent une chaire d’histoire de la colonisation et de la décolonisation ?

Les massacres d’octobre 61, comme ceux de l’ère coloniale récente (de Sétif et Madagascar à Ouvéa), sont des crimes qui ne sont pas nommés, pas plus que ne le sont leurs victimes, ceux que l’on désigne sous le sigle FMA (« Français Musulmans d’Algérie ») ou plus couramment comme crouilles, ratons, melons, bicots, parqués dans les bidonvilles ou dans des quartiers intra-muros quadrillés en permanence.
Depuis le début de cette guerre sans nom maquillée en « pacification » et « opérations de maintien de l’ordre », les gouvernements successifs (de la SFIO de Mollet et Mitterrand aux gaullistes) entretiennent le racisme policier, militaire et civil. Ratonnades, tortures, noyades, fusillades, pendaisons : ce qui se passe en cette fin d’octobre 61 se produit en Algérie et en métropole depuis 54. « Le 17 est un moment, un moment seulement, dans un temps où nous étions toujours niés » disent les Algériens interrogés trente ans plus tard par Anne Tristan.
En Algérie, c’est le quotidien. Un état de droit en France cohabite avec un état d’exception dans les colonies, qui s’applique aussi en métropole à ces « citoyens de l’Union » qui sont moins citoyens que les autres ; et ce consensus républicain a besoin pour fonctionner de désigner un objet de peur et de rejet : « Consentir, dit Jacques Rancière, c’est d’abord sentir ensemble ce qu’on ne peut pas sentir ». [...]

La suite sur le site de Vacarme ici

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