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samedi 23 août 2014

Les sénateurs demandent de restreindre l'usage des PPP

Un nouveau rapport, du Sénat cette fois, pointe les dangers des PPP. Ceux-ci entraînent un quasi- doublement des charges et préemptent les capacités budgétaires publiques sur des années. À défaut de les supprimer, les sénateurs demandent d’en limiter l’usage.

Les partenariats public-privé (PPP) sont dangereux pour les finances publiques


De la Cour des comptes à l’Inspection générale des finances (IGF), le constat finit par faire l’unanimité : les partenariats public-privé (PPP) sont dangereux pour les finances publiques. Le rapport de la commission des lois du Sénat, présenté le 16 juillet par les sénateurs Jean-Pierre Sueur (PS) et Hugues Portelli (UMP), ne fait pas exception à la règle. Il pointe à son tour les dangers de ces contrats qui se sont multipliés ces dernières années et, à l'avenir, appelle à un  encadrement beaucoup plus strict de leur utilisation.

Implanté en France il y a tout juste dix ans, le PPP ne devait être utilisé que de façon exceptionnelle, compte tenu de son caractère dérogatoire (toutes les législations liées à la commande publique, aux marchés publics, au contrôle des finances publiques, à la concurrence, au financement de la vie politique sont mises entre parenthèses dans le cadre d’un PPP). Le Conseil constitutionnel avait d’ailleurs soigneusement veillé à encadrer son utilisation.

Les PPP se sont généralisés, au détriment de toutes les autres formes de contrat public


Trop, du goût de Nicolas Sarkozy. À peine arrivé à l’Élysée, ce dernier a décidé de promouvoir son usage et de libérer les PPP de « toutes les entraves qui gênaient son développement », afin de relancer la croissance. Une législation très compréhensive a donc été mise en place. Résultat ? Les PPP se sont généralisés, au détriment de toutes les autres formes de contrat public, avec le soutien de la mission d’appui des partenariats  public-privé (MAPPP), faisant « œuvre de prosélytisme », dénoncent les sénateurs. Utilisés pour les universités, les prisons, les hôpitaux, les ministères, ces contrats sont devenus une vraie technique de hors bilan pour les instances publiques, permettant de cacher et de transférer à plus tard le paiement de la dette. Tout ceci a un coût, souvent caché, insistent les sénateurs. S’appuyant sur des études de différents projets, ceux-ci estiment que ces contrats conduisent à « un quasi-doublement des charges à payer sur le long terme par rapport au montant de l’investissement équivalent qui serait réalisé en maîtrise d’ouvrage publique ».

Les sommes affolent : 200 millions de loyer pour le futur Pentagone à la française destiné à abriter le ministère de la défense, plus de 100 millions pour le futur Palais de justice de Paris. En 2012, l’Inspectiongénérale des finances avait été chargée d’évaluer l’impact des PPP sur les finances publiques. Son rapport n’a jamais été rendu public. « Pierre Moscovici a accepté de nous le transmettre le dernier jour de ses fonctions ministérielles. Nous lui avions demandé il y a plus d’un an », brocardèrent Jean-Pierre Sueur et Hugues Portelli.

Le coût des PPP pour les collectivités locales n’a jusqu’à présent jamais été estimé


Le peu d’empressement de l’ancien ministre des finances semble être à la lumière du rapport : ce dernier mène semble-t-il une attaque au vitriol contre les PPP. Selon les calculs de l’Inspection, les loyers des PPP signés par l’État jusqu’en septembre 2012 représenteraient une charge annuelle imposée de 1,2 milliard d’euros. Le coût des PPP pour les collectivités locales n’a jusqu’à présent jamais été estimé.

L’inspection générale des finances s’inquiétait aussi des contraintes imposées « sur plusieurs décennies sur les budgets des administrations publiques, en augmentant les dépenses dites rigides », selon les termes repris par les sénateurs. Dans un rapport de 2010 sur l’administration pénitentiaire, la Cour des comptes s’alarmait aussi des contraintes imposées par le recours aux PPP pour la construction de nouvelles prisons. « La part des dépenses incompressibles n’a cessé de croître ces dernières années : elle représente désormais 50 % du budget contre à peine 34 % il y a trois ans. Cette augmentation est due à l’importance prise par les crédits destinés à la gestion déléguée ainsi que pour les loyers versés pour les PPP », notait-elle.

À quoi faut-il s’attendre demain ? Les sénateurs se demandent si nous ne sommes pas en présence de bombes à retardement budgétaires.

Alors que la Grande-Bretagne, qui avait été la première à imposer ce modèle et à l’exporter, revient en arrière, les sénateurs jugent qu’il est grand temps de reprendre en main ce dispositif, qui est en train d’échapper à tout contrôle. Mettant à profit la transposition d’une directive européenne sur la commande publique, ils entendent imposer un très net durcissement de la législation sur les PPP, ceux-ci devant redevenir un contrat d’exception. Le projet de loi devrait être discuté dans les prochains mois, mais ils ont déjà établi une liste de recommandations.

Ils souhaitent d’abord supprimer toutes les facilités qui avaient été introduites dans la loi en 2008, pour revenir à une législation très stricte et très précise sur le recours aux PPP. L’urgence, par exemple, qui est l'un des critères retenus permettant d’avoir recours à un PPP, ne pouvant être synonyme d’élections à venir et de projet à inaugurer en campagne, comme cela est devenu le cas. Certains secteurs, comme l’hôpital, devraient aussi selon eux être exclus du champ des PPP.

Ils demandent par ailleurs une restriction du rôle de la MAPPP, celle-ci ne devant plus être un organe de propagande en faveur des partenariats, mais seulement être chargée de l’évaluation. Une mission qui devait être largement partagée et diffusée au sein de l’administration, les sénateurs regrettant la perte de compétence, d’expertise et de contrôle du public dans tous ces domaines.

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Les évaluations prévues dans la loi pour autoriser le recours à ce type de contrat devraient, selon la commission des lois du Sénat, être profondément modifiées. Les sénateurs demandent à ce qu’une estimation complète du coût total du projet, du financement, des ressources disponibles, des charges imposées, sur parfois 20 ou 30 ans, soit clairement exposée, afin qu’il n’y ait plus de sous-estimation dans les projets.

Enfin, ils suggèrent que l’accès à la commande publique soit mieux garanti pour les prestataires. Les architectes, selon eux, ne devraient plus être inclus dans un contrat de partenariat. Les projets architecturaux devraient être choisis au préalable, dans le cadre des procédures habituelles. De même, les contrats de partenariat devraient prévoir une part minimale réservée aux PME, exclues de fait jusqu’à présent.

Pour l’instant, le gouvernement n’a pas dit ses intentions. En 2004, Michel Sapin avait été l'un des députés les plus en pointe contre les PPP. Il avait mené la bataille jusqu’au Conseil constitutionnel. Il est aujourd'hui ministre des finances. On ne l’entend plus sur le sujet.

A écouter en podcast ici.

PAR MARTINE ORANGE
ARTICLE PUBLIÉ DANS MEDIAPART LE JEUDI 17 JUILLET 2014
www.mediapart.fr


Voir ou revoir l'émission Pièces à conviction sur les PPP  :


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