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jeudi 18 juillet 2013

Le journaliste Henri Alleg est décédé

C'est avec grande tristesse que nous apprenons le décès d'Henri Alleg journaliste, militant communiste et anticolonialiste qui fut l'un des premiers à dénoncer l'usage de la torture pendant la guerre d'Algérie.


Par AFP

Le journaliste et militant communiste Henri Alleg, auteur de l’ouvrage La Question (1958) qui dénonçait la torture pendant la guerre d’Algérie, est décédé mercredi à Paris à l’âge de 91 ans, a-t-on appris auprès du quotidien L’Humanité dont il fut secrétaire général. Publié à l’époque aux éditions de Minuit, ce livre-témoignage avait été saisi au lendemain de sa parution.


Henri Alleg

Né en juillet 1921 à Londres, de parents juifs polonais ayant fui les pogroms, Henri Salem, dit Alleg, arrive en avril 1940 à Alger et adhère un an plus tard au parti communiste algérien (PCA), dont il est membre du comité central jusqu’à sa dissolution en 1955. Il dirige le quotidien Alger Républicain, organe du PCA, de février 1951 à juillet 1955, date de son interdiction.
Arrêté en 1957 en pleine bataille d’Alger et torturé puis condamné en 1960 à dix ans de travaux forcés en France, il s’évade de prison un an plus tard et regagne la capitale algérienne. Il refonde alors Alger Républicain jusqu’à son sabordage après la chute du président Ben Bella. Henri Alleg, adhérent au PCF auquel il restera fidèle jusqu’à la fin de sa vie, a été journaliste à L’Humanité de 1966 à 1980.

La baie d'Alger (1960)


La Question : le livre-témoignage


Henri Alleg est arrêté le 12 juin 1957, soit le lendemain de l'arrestation de Maurice Audin, par les hommes de la 10e division parachutiste. Il est séquestré un mois à El-Biar où il est torturé et subit de multiples interrogatoires, dont un mené après une injection de penthotal. Il est ensuite transféré au camp de Lodi où il reste un mois puis à Barberousse, la prison civile d'Alger. C'est là qu'il écrira La Question, dissimulant les pages écrites et les transmettant à ses avocats.

Dans La Question, il raconte sa période de détention et les sévices qu'il y a subis, en pleine guerre d'Algérie. Tout d'abord publié en France aux éditions de Minuit, l'ouvrage est immédiatement censuré. Les exemplaires mis en vente sont saisis le 27 mars malgré les interventions de André Malraux, Roger Martin du Gard, François Mauriac et Jean-Paul Sartre auprès du président René Coty. Nils Andersson le réédite en Suisse, quatorze jours après l'interdiction frappant en France. Malgré son interdiction en France, ce livre a considérablement contribué à révéler le phénomène de la torture en Algérie en confortant les témoignages qui s'étaient multipliés dans la presse au cours de l'année 1957. Sa censure n'a pas empêché sa diffusion clandestine à 150 000 exemplaires.


Le livre s'ouvre avec la formule : 
« En attaquant les Français corrompus, c’est la France que je défends. » 
Il y accuse nommément Philippe Erulin d'être le principal auteur de sa torture, ainsi que ses complices subalternes. Roger Faulques est également présent à un moment de ses interrogatoires, se vantant d'être « le fameux capitaine SS ». Jacques Massu, au travers de son aide de camp le lieutenant Mazza, est cité, mais n'est pas présent.


Extraits :

« Jacquet, toujours souriant, agita d’abord devant mes yeux les pinces qui terminaient les électrodes. Des petites pinces d’acier brillant, allongées et dentelées. Des pinces « crocodiles », disent les ouvriers des lignes téléphoniques qui les utilisent. Il m’en fixa une au lobe de l’oreille droite, l’autre au doigt du même côté… Brusquement, je sentis comme la morsure sauvage d’une bête qui m’aurait arraché la chair par saccades. Toujours souriant au-dessus de moi, Jacquet m’avait branché la pince au sexe. Les secousses qui m’ébranlaient étaient si fortes que les lanières qui me tenaient une cheville se détachèrent. On arrêta pour les rattacher et on continua… »

Il y a maintenant plus de trois mois que j'ai été arrêté. J'ai côtoyé, durant ce temps, tant de douleurs et tant d'humiliations que je n'oserais plus parler encore de ces journées et de ces nuits de supplices si je ne savais que cela peut être utile, que faire connaître la vérité c'est aussi une manière d'aider au cessez-le-feu et à la paix. Des nuits entières, durant un mois, j'ai entendu hurler des hommes que l'on torturait, et leurs cris résonnent pour toujours dans ma mémoire.

"Alors, il ne veut pas parler ? dit l'un des civils.
-On a tout le temps , dit le commandant, ils sont tous comme ça au début : on mettra un mois, deux mois ou trois mois mais il parlera.
-C'est le même genre que Akkache ou Eyette Loup, repris l'autre. Ce qu'il veut : c'est être un "héros", avoir une petite plaque sur un mur dans quelques centaines d'années." Ils rirent à sa plaisanterie.

[...]

Henri Alleg fait dire à l'un de ces officiers :
« Tu vas parler ! Tout le monde doit parler ici ! On a fait la guerre en Indochine, ça nous a servi pour vous connaître. Ici, c'est la Gestapo ! Tu connais la Gestapo ? Puis, ironique : Tu as fait des articles sur les tortures, hein, salaud ! Eh bien ! maintenant, c'est la 10e D.P. qui les fait sur toi. »

Maurice Audin

Né le 14 février 1932 à Béja et décédé le 21 juin 1957, est un assistant de mathématiques français à l’université d’Alger, membre du Parti communiste algérien et militant de la cause anticolonialiste.
Pour ses proches ainsi que pour des journalistes et historiens, il fut torturé et tué par les services français, car il était militant de la cause de l'indépendance algérienne. 
Il est le père de la mathématicienne Michèle Audin.

Maurice Audin

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