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jeudi 13 décembre 2012

Passer le logement social au Kärcher ...

Mardi matin, Mediapart nous interpellait sur les pratiques discriminatoires d’un énième maire en matière d’accès au logement social. Décidément, il ne se passe plus une semaine sans qu’un nouveau scandale sur le logement social n’éclate.

Ici, le sujet est éminemment brûlant, surtout si le marché est tendu et que les demandeurs attendent plusieurs années avant d’accéder à un logement social. Mais il est également sensible au regard de la faible transparence dans la procédure d’attribution et de l’émergence de politiques de peuplement plus ou moins assumées et très souvent contestables.

Le maire en question, c’est Philippe Pemezec, UMP, au Plessis-Robinson, qui affirme ouvertement loger « très peu d’Arabes » dans les logements sociaux. L’affaire est pourtant connue depuis des années dans cette ville où le parc social s’y est rétréci comme peau de chagrin par la vente et la destruction.

Cette stratégie d’évitement y est également marquée par une explosion des impôts locaux et des prix du foncier. Bref, le Robinsonnais type devrait être riche et blanc.

M. Pemezec fait ici le jeu de certains bailleurs sociaux, tiraillés entre leur mission sociale d’accueil des plus démunis et leurs contraintes de rentabilité qui les conduisent parfois à refuser de loger des « groupes à risques » au nom de la sacro-sainte « mixité sociale ».

Ensemble, maires et bailleurs n’hésitent pas alors à procéder à une gestion fine des attributions, cage d’escalier par cage d’escalier, en définissant un « seuil de tolérance » sur des critères sociaux et... ethniques ! Cela n’est pas sans rappeler cette affaire de fichage ethnique des locataires mis en place par la société HLM francilienne Logirep, mise en examen en 2009 pour discrimination raciale.

Où va la mixité sociale ?

Le principe de mixité sociale n’est donc pas toujours un rempart contre les politiques d’évitement dans le logement social, c’est même parfois le contraire. Il n’est ni plus ni moins qu’un artefact idéologique sans véritable définition juridique, érigé comme un principe d’orientation dans la pratique d’attribution des logements sociaux, et souvent instrumentalisé au détriment de candidatures jugées prioritaires.

D’ailleurs, on brandit cet idéal républicain uniquement lorsque l’on parle de quartiers sensibles. Etrange, non ? Mais on en oublierait que cette mixité sociale doit également s’appliquer dans les quartiers plus favorisés.

Il nous paraît inconcevable que des communes préfèrent payer une forte amende pour ne pas avoir à appliquer le quota fixé par la loi SRU. Rendons obligatoire ce qui est nécessaire pour la cohésion sociale. Portons à 25% l’obligation de construire des logements sociaux par commune de plus de 3 500 habitants, et à 30% en Ile-de-France où le marché est plus que tendu.

Parce que le principe de mixité sociale n’est pas celui du « not in my backyard » !

Le Kärcher, c’est la transparence

M. Pemezec affirme se baser sur les noms des candidats pour détecter les éventuels « Arabes » à éviter. L’anonymisation des candidatures est donc nécessaire pour lutter contre les discriminations, comme le préconisent la Halde et le Groupe d’études et de lutte contre les discriminations (Geld) depuis des années. Mais en aucun cas cette mesure ne saurait à elle seule endiguer les nombreux abus.

Ce qu’il faut exiger, c’est avant tout plus de transparence dans les décisions au sein des commissions d’attribution et une gouvernance plus efficace.

La France fait figure de mouton noir en Europe en matière de lisibilité des critères d’accès au logement social, en raison de l’absence de critères légaux de priorité et d’obligation de classement par système de points, outre la juxtaposition des filières spécifiques d’attribution avec les listes des réservataires.

Adoptons une fois pour toutes un système de cotation par points, clair et accessible à tous, à l’instar de la plupart des Etats membres de l’UE, et qui s’accompagnerait d’une large publicité des logements disponibles comme c’est le cas aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. Et pourquoi ne pas imposer la présence d’un magistrat dans ces commissions d’attribution pour veiller à la bonne procédure, comme c’est le cas en Italie ? Chiche !

Déléguer le pouvoir d’attribution des logements sociaux

L’autre problème, c’est que les pratiques d’attribution sont circonscrites à l’échelle communale. En pratique, les critères varient considérablement d’une commune à une autre ; la décision issue des commissions d’attribution étant souvent issue d’un rapport de force entre collectivités et bailleurs sociaux.

Dans le cas du Plessis-Robinson, on encourage les effets de déversement des populations estampillées « persona non grata » dans les communes avoisinantes.

Pour contrer ce phénomène, on pourrait faire des communautés d’agglomération, qui seraient élues au suffrage universel direct et dessinées pour englober la réalité des aires urbaines, les autorités organisatrices de la politique du logement en leur déléguant notamment le pouvoir d’attribution des logements sociaux. Cela permettrait de gagner en cohérence territoriale et en indépendance dans la prise de décision.

Si la gauche accède au pouvoir au printemps, l’ambition première se doit de mettre fin à cette opacité et ces injustices. Le logement social, en tant que véritable amortisseur social contre la crise, se doit d’être exemplaire.

Par Karima Delli. Publié le 29/03/2012 L'OBS avec Rue89

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